Danny Sullivan l’avait annoncé sur X : les nouvelles mesures anti-spam contre l’abus de réputation ont débuté le 5 mai dernier.
L’objectif annoncé ?
Sanctionner “les sites qui publient des pages tierces avec peu ou pas de surveillance ou d’implication de la part de la première partie, [dans] le but de manipuler les classements de recherche en tirant parti des signaux de classement du site propriétaire« , précise Google.
En première lecture, cette définition laisse penser à des sites résolument trompeurs et grossiers dans leur approche.
Il n’en faut pourtant pas moins pour effrayer des sites à forte autorité.
Actuellement en déploiement aux USA, cette nouvelle mise à jour de Google a provoqué un tollé, notamment dans le secteur de la presse…
Désindexation massives, suppression de répertoires à la hâte et actions manuelles…
On vous dit tout de la saga de l’update sur la reputation abuse.
L’abus de réputation, nouvelle cible de la lutte anti-spam de Google
La lutte anti-spam, enjeu vital pour Google
Au cours des dernières années, Google a considérablement renforcé sa politique anti-spam.
Si les célèbres updates Panda et Pingouin ont marqué les années 2010, le moteur intègre désormais des mises à jour en quasi continu.
Et pour cause : le panorama concurrentiel est bouleversé, et le business model de Google doit s’adapter pour conserver sa place de leader incontesté :
- La démocratisation des IA génératives transforme nos usages de recherche à l’échelle mondiale
- Aux USA, 1 jeune sur 10 se fie davantage à TikTok qu’à Google pour effectuer ses recherches en ligne (source Adobe)
- La production de contenu via l’IA permet de créer du bon mais aussi du franchement mauvais à très grande échelle et dans temps réduits
Toutefois, même auprès de la Gen Z, Google est toujours considéré comme le moteur le plus sûr.
Continuer à retourner les réponses les plus pertinentes et les plus fiables, c’est s’assurer le maintien de son audience, et l’attractivité de sa régie publicitaire, cœur de son business model.
Enfin, Google donne une place de plus en plus importante à son IA fait maison Gemini.
Le géant l’a présentée comme hyper puissante lors du Google I/O 2024 ; mais au-delà de sa vitesse de traitement, elle ne conquerra les cœurs que si ses réponses sont pertinentes…
Et pour cela, sa base documentaire de qualité (vos contenus !) doit être irréprochable !
Des critères de plus en plus subtils
Ces derniers mois pourtant, Google semble de plus en plus pointilleux sur les critères qui décrivent les comportements spammy.
Jusqu’à peu, les guidelines étaient plutôt claires :
- Ne cachez pas de contenu sur votre site
- Ne faites pas de cloaking
- N’utilisez pas de liens toxiques
- …
La ligne est désormais bien plus ténue :
- Proposez du contenu pensé pour les humains et par les humains. Finalement, les contenus IA sont tout aussi pertinents !
- N’abusez pas des domaines expirés
L’impact de l’update “site reputation abuse” aux USA
Des sanctions lourdes parmi les géants du secteur
Sur le marché US, certains sites de presse ont rapidement anticipé l’update.
C’est le cas notamment de Forbes.com, qui a désindexé son répertoire dédié aux codes promo forbes.com/coupons dès le mois d’avril (cela concerne plusieurs milliers de pages tout de même !) :
D’autres ont été moins prévoyants, et ont subi les foudres de Google début mai.
Le Time a vu son répertoire Shopping sombrer dans les résultats de Google US :
D’autres sites, tels que le LA Times, CNN et USA Today ont vu leurs positions sur les requêtes “coupons” s’effondrer, comme l’a évoqué Glenn Gabe sur X :
À titre d’exemple, voici un avant / après de la SERP sur la requête “iphone coupons” sur Google USA :
Voici les actions entreprises par certains des sites presse les plus suivis aux USA :
- Forbes.com : directive “noindex” sur forbes.com/coupons/
- Scotsman.com : directive “noindex” sur discountcode.scotsman.com/amazon
- QG.com : directive “noindex” sur gq.com/coupons/
- USnews.com : directive “noindex” sur deals.usnews.com/coupons/
- WSJ.com : directive “noindex” sur wsj.com/coupons/
- CNN.com : directive “noindex” sur edition.cnn.com/cnn-underscored/
- SI.com : suppression de si.com/showcase/
De façon générale, les éditeurs s’orientent vers l’une des 3 stratégies suivantes :
Désindexation préventive ou corrective
Désindexer le répertoire ou le sous-domaine dédié aux codes promos, comme l’a fait Forbes.
Le statu quo
Ne rien modifier sur le site, et attendre l’impact de l’update pour réagir a posteriori si besoin est. Pour les coeurs bien accrochés !
Modification des attributs de liens
Ce ne sont pas tant les coupons qui posent un problème, mais l’abus d’autorité d’un site pour détourner son trafic via des liens. Dès l’instant où vos liens sont clairement identifiés comme publicitaires ou à ignorer, alors où est le problème ?
C’est en tout cas la théorie que défendent certains médias, qui ont entamé une mise à jour de leurs partenariats payants :
- Ajout d’attributs nofollow
- Ajouts d’attributs rel=”sponsored”
Le choix est cornélien : s’amputer du content to commerce, vecteur de revenu important pour un secteur en recul ; ou parier sur le risque ou non d’être sanctionné par Google à l’échelle totale du site.
Une nouvelle crispation entre la presse en ligne et Google ?
Les relations entre les acteurs de la presse en ligne et Google sont houleuses depuis de nombreuses années.
D’un côté, le géant du web réutilise directement les contenus des éditeurs au sein de ses résultats ; de l’autre, sa régie est une source de revenus essentielle pour le secteur.
L’espoir de trouver un terrain d’entente ces dernières années a donné lieu à plus de 2 600 accords ont été signés entre Google et la presse (contrats individuels ou cadres), dans le cadre des “droits voisins”.
Souvenons-nous qu’en 2021, Google avait été sanctionné d’une amende de 500 millions d’euros par l’Autorité de la Concurrence en Française…
Si l’update n’est pas encore déployée en dehors du monde anglo-saxon, elle fait déjà d’importants dégâts auprès de la presse en ligne sur les marché US, UK, australien….
Une nouvelle évolution qui risque de cristalliser un peu plus les relations entre ce secteur et le géant du web. C’est peut-être également la raison pour laquelle Google avait laissé deux mois aux éditeurs pour se mettre en conformité.
Les réactions et anticipations de la presse française
Quelles postures adoptent les éditeurs de presse en ligne en France ?
Actuellement, tous les yeux sont rivés sur la situation aux US ou UK :
Mais au-delà de l’impact sur les rankings web, une autre interrogation subsiste : quel va être l’impact de l’update sur le réseau Discover ?
Si les pénalités sont uniquement manuelles pour l’instant, il n’est pas exclu qu’elles soient remplacées par des pénalités algorithmiques… Avec un grand chamboulement de la SERP (et un risque sur Discover ?) en vue.
Le point de vue de notre expert
Avec de nombreuses années d’expérience dans la presse, et un suivi accru de la situation avec l’outil Ozae, Olivier de Segonzac nous partage sa lecture de la situation :
Pour aller plus loin
Si le sujet vous passionne ou que vous vous sentez concerné.e, nous ne pouvons que vous recommander les ressources complémentaires suivantes :
- Les guidelines officielles de Google Search Central quant au contenu spam
- Les guidelines (tout aussi officielles) pour bloquer l’indexation d’une partie de votre contenu
- L’article d’Olivier de Segonzac “Spam et Core Update en cours : la contre-attaque de Google” sur Linkedin, pour comprendre le contexte de multi update qui sévit actuellement (et auxquelles celle-ci vient s’ajouter)