Qu’est-ce qu’un moteur va penser d’un web sans neutralité ?

le 20 Déc 2017
4 min de lecture
Qu’est-ce qu’un moteur va penser d’un web sans neutralité ?

On l’a tous entendu, Trump a fini par obtenir l’abolition de la neutralité du net aux USA.

Concrètement ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’un fournisseur d’accès pourra faire payer des prix différents pour transmettre des données, des prix différents pour chaque fournisseur de contenu et pour chaque internaute.

Les conséquences les plus immédiates d’un tel changement ont largement été propagées par la presse. On irait, dans ce cadre, vers un Internet des riches – rapide – et un Internet des pauvres, beaucoup plus lent et avec un moindre accès à certains contenus.

fille devant ordinateur

C’est anti-démocratique par essence et la démocratie est le manifesto du web depuis son origine. Du point de vue des start-ups  du web et de l’innovation, cela semble catastrophique; c’est l’érection d’une nouvelle barrière à l’entrée : les mastodontes du web auront toujours les moyens de faire les gros chèques pour avoir du gros débit alors que les geeks dans leur garage peineront à devenir visibles.

Les internautes n’aiment pas attendre et iront naturellement là où ça va vite, chez ceux qui peuvent se payer la bande passante… L’ironie c’est que l’argumentaire des opérateurs se résume ainsi : faute de gagner assez, on ne peut pas innover – cf les déclarations récentes de Stéphane Richard, patron d’Orange. Sauf que l’innovation en question ne sera pas pour tout le monde.

L’autre distorsion de concurrence potentielle est magnifiquement illustrée par un groupe comme Altice. Un abonné SFR aura-t-il un accès beaucoup plus rapide à l’Express ou à BFM, qui sont dans le groupe Altice, qu’au Monde ou au Figaro ? Si c’est le cas, on arrivera vite à de grosses distorsions de concurrences entre les medias en fonction de leurs capacités à s’acheter des tuyaux ou de leur inféodation à un fournisseur d’accès.

Comme, en plus, les opérateurs mobiles, avec le zero rating, peuvent bundler une offre ou une autre à leur abonnement, on arrivera vite à des distorsions de vision du monde et de l’information également.

Vous me direz : ça, c’est que chez les amerloques ! Pas de ça chez nous ! Ouf ! L’Arcepp a officiellement répondu pas de ça en EUROPE ! Je m’interroge sur un ou deux points cependant.

Mes enfants sont fans du basket de la NBA. Le matin, au réveil, ils vont sur Youtube attraper les Highlights des meilleurs matches de la nuit, le genre de vidéo qui demande du débit. Ce sont des contenus américains accessibles sur Youtube, qui en tant que géant du web, possède des data centers sur tous les continents, donc en Europe. Quel que soit mon opérateur derrière, ils accéderont à priori au contenu de la même manière, neutralité oblige.

Mais s’ils veulent accéder à un site de fanzine local qui héberge ses propres contenus exclusifs aux USA avec des petits moyens, il me semble que la situation se complique. Si ce site n’a pas payé son écot à un provider, son accès sera plus lent. Et même s’il a payé, si mon provider français n’a pas d’accord de peering approprié avec le sien, j’imagine que son accès ne sera pas favorisé.

Très vite mes gosses en auront assez d’attendre, si intéressant que soit le contenu, et se contenteront des vidéos Youtube. C’est l’UX qui va creuser les différences, en augmentant le taux de rebond sur les contenus qui ne chargent pas assez vite. Et ce taux entre à présent dans l’algorithme de Google pour le positionnement en naturel.

Par ailleurs, depuis deux ans, Google met énormément l’accent sur « la web perf » et le temps de chargement. C’est un critère qui monte également en puissance dans l’algorithme. Faut-il en déduire que les sites à « faible puissance » vont subir une double peine ? Non seulement ils seraient plus long à accéder, mais en toute logique, si leur temps de chargement et leur taux de rebond augmentent, leurs positions dans les résultats se dégraderaient. Ils seraient plus bas dans les résultats et plus difficiles à trouver !

Pour finir et pour justifier le titre de cet édito, qu’est-ce que le bot d’un moteur va faire de tout ça ? Chaque site bénéficie d’un « budget crawl » qui est en gros le temps que le bot de Google va accepter de passer à l’investiguer et à l’indexer. Si certains sites sont pénalisés, le bot aura-t-il un accès VIP ou devra-t-il passer lui aussi dans l’accès teuf teuf ?

Logiquement Googlebot ne devrait pas être directement impacté car il possède ses propres tuyaux et est son propre FAI. Pourtant, si de nombreux opérateurs privés se lancent et ne configurent pas correctement l’accessibilité de Googlebot à leur réseau, cela pourra poser problème

Bref, même si l’Europe et la France tiennent bon, il n’est pas sûr que pour un internaute français tout soit transparent. Pourvu que Trump ne nous fasse pas le coup des deux vitesses avec le père Noel ! Cadeaux par drones pour les riches, et rennes de rebut pour les pauvres… Que la force nous protège !

Toute l’équipe de RESONEO s’associe à moi pour vous souhaiter d’excellentes fêtes, joyeuses, démocratiques, et pleines de vidéos de chatons et de sourires d’enfants.

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